Ouest-France - 21 mars 2008
Sauterelles sénégalaises grillées à vendre au poids sur un marché du Niger : FAO/Annie Monnard
Les petites bêtes qui grouillent ou qui rampent font le régal des Asiatiques ou des Mexicains. L'Occident commence à les cuisiner.
Le criquet pèlerin contient 86,60 % de protéines. Une richesse nutritive rare. En Afrique du Sud, les chenilles de mopane séchées nourrissent leur homme en calcium et en fer. La punaise d'eau géante (lethocerus indicus), réduite en purée, sert à fabriquer le nam prik mangda, la sauce préférée des Laos et des Thaïlandais. C'est délicieux. Les Italiens qui l'ont testée comparent son goût à celui du fromage gorgonzola.
Toujours dégoûtés ? « Manger des insectes est pourtant une coutume alimentaire très répandue dans le monde. Nous avons répertorié plus de quatre-vingt-dix pays », explique Patrick Durst, forestier à la Food and Agriculture organization (FAO), l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. En février, à Chiang Mai, en Thaïlande, la FAO a décidé de développer la commercialisation des insectes comestibles des forêts ou des petits élevages, « une source considérable de revenus pour les populations rurales ».
Les petites bêtes sont arrivées sur nos tables par les supérettes asiatiques. Les Américains, surtout les Californiens, toujours avides de nouvelles sensations culinaires, en raffolent déjà. De prestigieux restaurants proposent des criquets grillés nappés de caramel, des canapés d'oeufs d'hémiptères aquatiques, le caviar mexicain. À Montréal, Jean-Louis Thémis, qui dirige l'Insectarium, cuisine des champignons farcis aux grillons domestiques.
La quiche aux ténébrions d'Alain Senderens
En France, le spécialiste de l'entomophagie (la consommation d'insecte) s'appelle Bruno Comby, un précurseur puisqu'il a publié Délicieux insectes dès 1990. De grands chefs comme Alain Senderens (du Lucas Carton, à Paris) s'étaient lancés dans l'aventure de la quiche aux ténébrions (ou vers de farine), succulentes larves. Mais le soufflé est un peu retombé. Au pays de la gastronomie sacrée, on continue d'attribuer cette curiosité alimentaire « à des sociétés tribales », regrette Bruno Comby. On reste des enfants, dégoûtés à l'avance par la bave de l'escargot...
Christelle GUIBERT.