publié le 21/03/2008
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Polytechnicien et ingénieur en génie nucléaire, Bruno Comby sort des sentiers battus. Ce scientifique se délecte d'insectes et vante leurs qualités nutritionnelles dans le monde entier. Ses recettes, comme la terrine de grillons, les criquets créoles, le sauté de coléoptères, les gaufres croustillantes ou les insectes au chocolat s'exportent partout dans le monde. Elles ont fait un tabac auprès des plus grands chefs aux Etats-Unis, au Canada, en Allemagne, aux Pays-bas Mais les Français, eux, restent frileux. Entretien avec M. Comby, précurseur de l'entomophagie en France et dans le monde depuis la fin des années 1980.
Est-ce que l'entomophagie est répandue dans le monde?
Oui, particulièrement en Amérique du Sud, en Asie et en Afrique. On peut manger les insectes par tradition ou par goût et parfois par nécessité. En Afrique du Sud, les larves de Mopani sont plus chères que la viande et les gens en raffolent! De plus en plus de chercheurs s'y intéressent. Il existe un «Bug Banquet» à New York très huppé ou le «Croque insectes» au Canada qui attire des dizaines de milliers de personnes chaque année.
Quel est l'intérêt de manger des insectes?
Ils ont de nombreuses vertus nutritionnelles. Très riches en protéines, tout comme la viande ou le poisson, ils ont un rôle important à jouer dans notre équilibre alimentaire. Ils aident aussi à combler nos carences en vitamine D. En plus, ils sont délicieux! Sans parler de leurs qualités thérapeutiques. En Amérique du Sud par exemple, on mange des fourmis contre les rhumatismes. La chitine contenue dans la peau des insectes et des crustacés a des vertus préventives et est même utilisée dans certains traitements contre le cancer.
Il n'existe pas de restaurants à insectes en France, pourquoi cette pratique n'y est-elle pas développée?
On pratiquait l'entomophagie en France à l'époque des chasseurs-cueilleurs et ce, tant que l'homme était en contact avec la nature. La pratique s'est perdue avec le développement du mode de vie citadin. Mais on peut trouver des gravures de marchés parisiens datant de 1910 sur lesquelles on voit des marchants de cigales qui vendent des chrysalides! Dans les années 1990, certains grands chefs parisiens s'y sont mis mais il s'agissait souvent de coups médiatiques éphémères. Je pense que de nouvelles mutations vont s'opérer dans notre société. Avec la montée des prix de l'énergie, le prix de la viande augmente. L'élevage des insectes, lui, consomme peu et est donc plus productif.
Que diriez-vous aux personnes que les insectes dégoûtent pour les convaincre d'en manger?
Attention, il n'est pas question de manger les cafards des égouts, il faut choisir des espèces comestibles, élevées de manière compatibles avec un usage alimentaire ! Il y a une grande différence entre l'idée qu'on se fait du goût des insectes et leur saveur réelle. Leur carapace est plutôt molle et croustille à peine. Les larves d'abeilles sont par exemple très goûtues. On mange bien des escargots, des huîtres ou des cuisses de grenouille en France, pourquoi pas des insectes?