Siester au travail

Des dizaines de milliards de dollars. C'est le coût de la fatigue sur l'activité annuelle des Etats-Unis, selon la Commission nationale américaine sur les troubles du sommeil. Or l'instauration de la sieste au travail ne coûte rien, ou presque, et rapporte beaucoup en termes de productivité, assènent les scientifiques. Les publications se suivent et se ressemblent.

Comme le rappellent William et Camille Anthony, un couple de chercheurs de l'université de Boston, dans L'Art de dormir au travail, un somme de 15 à 30 minutes suffit pour ragaillardir un employé épuisé, augmenter ses facultés de concentration et de mémoire et lui éviter quelques bourdes.

Les sportifs, au premier rang desquels le joueur de foot Zinedine Zidane, et un certain nombre d'hommes politiques pratiquent les siestes quotidiennes : Winston Churchill ne s'en cachait pas ; George W. Bush a fait campagne pour l'élection présidentielle américaine un oreiller sous le coude ; Jacques Chirac "témoigne", dans une préface à Eloge de la sieste, de Bruno Comby, que "la sieste octroie, pour travailler, les extraordinaires créneaux d'activité intellectuelle de la nuit".

Mais les entreprises de l'hémisphère Nord rechignent à s'y mettre. Au motif qu'un roupillon fait trop "fainéant". Que ce n'est pas dans leur culture. Un frémissement s'est pourtant fait sentir, il y a trois ans, aux Etats-Unis. Gould Evans Goodman a alors installé une tente avec sacs de couchages et réveil dans ses bureaux de design, à Kansas City. A Pittsburgh, Deloitte Consulting propose désormais une salle de repos. Nike aussi. Des consultants investissent le créneau ; ainsi, Tom deLuca, enseigne le "Power Napping", un concept qu'il a déposé.

L'Europe se convertit à tout petits pas. Après Berlin et Hanovre, Zurich a inauguré, au printemps dernier, un "restpoint" ou "ruheraum" : 5 francs suisses ouvrent aux cadres stressés un havre de silence, des casiers et des couchettes, en plein centre-ville. En 2000, la municipalité de Vetcha, en Allemagne, où le travail pleuvait mais non les crédits pour embaucher, a instauré vingt minutes de pause après le déjeuner, doublée d'un cours sur l'art de la sieste. Grand succès. Le maire de Hilleroed, au Danemark vient d'adopter, à l'essai, le principe d'une sieste à tour de rôle. Il va sans dire que ces vingt minutes font partie du temps de travail.

Claire Ané / LEMONDE.FR / 17.04.02 / 13h22